L’histoire de Roa n’est pas ce que l’on pourrait qualifier ni d’intéressante, ni de particulièrement touchante. De base, je ne vois pas très bien l’intérêt que je pourrais avoir à vous la raconter. Mais puisqu’on me le demande si gentiment, je ne vois pas comment je pourrais refuser.

Roa naquit comme bon nombre d’hybride, dans un hôpital des plus banals bien que respectable pour une fois. Malheureusement pour elle, l’hybride eut deux mauvaises nouvelles à sa naissance. La première fut le décès de sa mère qui n’avait pas survécut, malgré les bons soins des médecins, à l’accouchement. Phénomène rarissime d’autant qu’il s’accumulait avec le fait que l’inu naquit les yeux définitivement clos à la lumière du jour. Face à ce constat, pour le moins affligeant, le paternel, loin d’être en mesure de s’occuper du nouveau-né qui avait coûté la vie à sa chère femme et qui comble du malheur se révélerait comme un véritable fardeau, disparut tout bonnement, abandonnant la chair qui avait causé tant de mal. Le personnel de l’hôpital fut dès lors dans l’embarra. Ils ne pouvaient bien entendu par mettre la petite Roa dans un orphelinat, elle venait de naître. Mais financièrement, ils auraient du mal à subvenir aux besoins d’une nouvelle bouche à nourrir, malgré l’argent qu’il percevait, en trop basse quantité. Ils firent tout de même le choix de la garder. Il aurait été inhumain [troll] de faire autre chose.

C’est donc dans cet hôpital que Roa fut élevée durant les premières années de son existence sur cette terre. D’ailleurs, son nom lui fut donné par le directeur de l’établissement. En manque d’inspiration, il avait tout bonnement ouvert un dictionnaire « fantastique » d’elfique. Roa signifiant chien dans ce langage imaginaire, il ne prit pas de risque. Enfin, revenons à nos moutons. Roa, élevée et éduquée par tous ses adultes qui faisaient de leur mieux pour trouver des réponses aux incessantes questions de ce qui était devenue leur fille. Parmi elles on peut citer « où sont papa et maman » ou bien « quand est-ce qu’ils vont revenir » et tout le tralala bien poignant devant lequel bon nombre du personnel préférait changer de sujet rapidement, détournant l’attention de la jeune inu. Mais celle-ci devint de moins en moins jeune. Elle grandissait. Tout autant que les ennuis financier de l’hôpital. Alors que Roa atteignait ses quatorze ans, on la jugea apte à être placée dans un orphelinat. Par ce « on » il faut entendre le conseil d’administration. Non pas la petite famille de médecin. Mais n’ayant pas leur mot à dire, ils durent se résigner à la laisser partir dans un endroit inconnu. Ce fut la première « déception » de Roa. Elle eut le sentiment, plus ou moins justifié d’être abandonnée une fois de plus. Car évidement, elle avait comprit que ses parents (les médecins n’ont pas jugé bon de lui signaler qu’elle a causé la mort de sa mort) ne reviendrait. Résignée, elle dut s’accoutumer, pendant sept longues années à un rythme scolaire, donné par l’orphelinat, qui l’agressait totalement dans son habitude de vie. Non seulement le poids de son handicap, amoindri alors qu’elle était à l’hôpital, pesa soudainement fort dans sa vie. Exclue de la plupart des groupes de jeunes et d’étudiants, Roa restait seule la plupart du temps à rêver ce qu’elle pourrait faire si elle était comme tous les autres. Si elle aussi était capable de voir, de capter cette lumière qui lui chauffait par moment la peau. Si seulement elle pouvait voir des films, des images, ne serait-ce que le ciel ou même un arbre ! Qu’aurait-elle donné pour pouvoir voir tout cela…
Toute cette tristesse s’accumulant n’eut pas énormément d’effets positif. Les jeunes gens ne voyant dans ce genre de personne que de vague poids prêt à freiner le groupe, pas un ne s’avança vers elle. Pas un ne voulut aller à sa rencontre. Sauf un. Un certain Baptiste qui, par on ne sait quel miracle, avait décidé que cela n’avait que trop duré. Et puis, il avait toujours ressenti un petit quelque chose pour cette inu. Lui alla a elle et tandis une perche dans ce qui pouvait être un océan de mélancolie. Evidement, ce ne fut pas très simple pour elle de l’attraper, mais Roa finit par remonter à la surface progressivement, grâce à cet hybride, dont elle ne sut jamais la race, car curieusement, la question ne se posait pas entre eux. Tout ce dont elle se souvenait de lui, c’était la douceur de ses oreilles et la nervosité de sa queue. Sans compter sa voix, équilibrée, et sa gentillesse infaillible. Mais, comme dans tout orphelinat, Roa dut affronter un choix auquel elle n’y pouvait rien.
Un couple l’avait repéré et décida, malgré ou grâce, à son handicap, de la prendre sous leur aile, ne se doutant pas qu’ils brisaient la seule véritable relation que leur « fille » parvenait enfin à tisser depuis son séjour à l’hôpital. Heureusement pour elle, son ami eut le temps de lui faire un cadeau dont elle ne se séparerait sans doute jamais. Sa flûte, bien entendu. Elle ignorait comment il avait put lui faire un présent aussi cher, mais elle se gardait toujours de le lui demander, de peur de l’offenser.
Allant de nouveau vers une nouvelle vie, Roa eut encore plus de mal à s’adapter. Refusant de s’ouvrir face à ceux qui l’avaient arrachée à un bonheur quasiment certains, elle parti de ce qui devait être chez elle à l’aube de ses vingt-et-un ans, sans savoir où aller ni comment et avec le gouffre que sa cécité impliquait. Mais de toute façon, elle n’avait pour ainsi dire… rien à perdre. Elle se jeta donc tête baissé dans un voyage aux allures suicidaires…

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